Comment concilier marketing et développement durable ?

A priori, voici deux notions que tout oppose : d’un côté le « méchant marketing » et de l’autre le « gentil développement durable » ! A ma droite, l’AVOIR, qui tourmente nos envies de possession les plus folles et à ma gauche l’ÊTRE, qui nous apporte la plénitude d’un bonheur infini…

Effectivement, il n’est pas si simple d’imaginer un monde où marketing et développement durable ne feraient qu’un ! Et pourtant, de nombreux signaux (pas très réjouissants…) nous montrent que nous sommes arrivés à un stade où ces deux notions doivent enfin se réunir dans une même vision.

Petit retour en arrière : à l’origine, il y a l’échange…participer à la rencontre de l’offre et de la demande grâce aux techniques du marketing qui joue le rôle de catalyseur d’échange dans un contexte de forte croissance. Son rôle est de créer de la valeur ajoutée, plus précisément de créer une valeur perçue supérieure à celle des concurrents pour ensuite la communiquer et l’apporter aux clients. Par valeur ajoutée, on entend qualités fonctionnelles (caractéristiques, qualité, performance, prix…) associées aux qualités symboliques (part de rêve, style, sentiment d’appartenance…). En résumé, la création de valeur immatérielle est au cœur de la fonction marketing classique : «raconter une histoire» autour d’un produit pour créer le désir de consommer.

Mais aujourd’hui, le marketing doit s’adapter à un nouveau contexte : beaucoup de besoins sont déjà satisfaits, l’offre est abondante et ultra segmentée, l’espace médiatique est saturé et les moyens de plus en plus coûteux. La bataille sur les prix limite l’innovation et la créativité, sans oublier la critique du marketing qui favorise la surconsommation et le matérialisme dans un contexte de pénuries de ressources et de dérèglement climatique. Enfin, on ne peut nier l’apparition depuis plusieurs années déjà d’un consommateur de plus en plus « responsable ». Le marketing est au final menacé par ses propres externalités, des externalités négatives de plus en plus nombreuses : création de valeur pour les uns (par exemple, s’offrir le dernier vêtement à la mode à très bas prix) et destruction pour les autres (ex : pollution de l’environnement, pires conditions de travail, etc.).

Le nouvel enjeu pour le marketing est donc de créer de la valeur durable…et là ça se complique un peu, ou du moins, on va dire qu’il y a encore du pain sur la planche !

Ainsi, dans le cadre du développement durable, la création de valeur immatérielle repose sur les bénéfices attendus pour la société et pour l’environnement. L’enjeu est alors de rendre DESIRABLES et SOLVABLES l’équité et la responsabilité environnementale. En somme, quels sont les bénéfices de ma marque pour les générations futures ? Pour la société ?

Pour répondre à ces questions, la marque doit donc reconsidérer son positionnement. De plus en plus sensibilisés aux problématiques de la Responsabilité Sociétale, les consommateurs choisissent non seulement un produit mais aussi un certain mode de production et d’utilisation, que l’entreprise doit être capable de mettre en œuvre et sur lequel les marketeurs.teuses doivent être capables de communiquer…

Plus concrètement maintenant sur le « comment faire » du marketing durable, il sera utile et indispensable au préalable d’engager son entreprise dans la mise en œuvre d’une stratégie RSE au plus haut niveau de la gouvernance, stratégie ambitieuse et qui s’attaque à la remise en question du business model. Pour avancer efficacement, il est primordial de remettre à plat sa vision à long terme en définissant la raison d’être de l’entreprise qui lui permettra d’intégrer les enjeux sociaux, environnementaux et éthiques à son activité économique.

Pour faire simple, le marketing durable repose principalement sur deux types de stratégies marketing qui doivent coexister dans l’entreprise :

– Le marketing vert qui amène à développer des produits et services à forte valeur ajoutée environnementale, éthique et sociale grâce à différents outils comme par exemple l’Analyse de Cycle de Vie et l’éco-conception, adopter les principes de l’économie de la fonctionnalité (vendre un service plutôt qu’un produit), et plus globalement investir dans une R&D qui met au centre des innovations produits la réduction des impacts environnementaux, le respect des règles éthiques et la justice sociale. Les achats responsables seront également des bonnes pratiques à déployer à ce niveau tout comme les projets d’écologie industrielle et territoriale lorsque cela est possible.

– Le marketing sociétale qui encourage des comportements plus durables, c’est-à-dire qui œuvre à tous les niveaux pour réduire les consommations de matières premières, favoriser la réutilisation, la revalorisation, ou encore qui incite les consommateurs à une consommation plus raisonnée (consommer moins et mieux grâce à des produits à plus longue durée de vie par exemple ou grâce à des conseils à l’usage en limitant leurs impacts, etc.). Pour cela, une démarche de communication responsable doit être déployée en formant les communicants et les agences de communication à ces sujets. En effet, il s’agit de respecter les règles de la communication responsable qui s’interdit de promouvoir des pratiques non soutenables (par exemple, le gaspillage alimentaire, des additifs néfastes pour la santé, etc.) en cultivant notamment l’humilité, la sincérité et la clarté des messages dans les publicités.

Pour terminer sur ce rapide éclairage, retenons trois principaux facteurs clés de succès au lancement d’une démarche de marketing durable : d’abord intégrer la RSE au cœur de la stratégie de l’entreprise (adapter l’offre produit, faire comprendre l’intérêt business de la RSE, approche retours sur investissements), puis engager le dialogue avec l’ensemble de ses parties prenantes et en particulier les clients afin de s’inspirer de leurs aspirations et de leurs valeurs (s’engager ouvertement, écouter ses parties prenantes pour ancrer l’entreprise dans l’évolution de la société) et enfin, s’approprier et appliquer les principes de la communication responsable (humilité, transparence, pédagogie, apporter du sens…), pour au final donner envie à ses clients de s’engager dans la RSE… A vos marques, prêts, partez !

Comment dialoguer avec ses parties prenantes ?

Sur cette thématique passionnante du dialogue parties prenantes, commençons par rappeler pourquoi est-il si important, pour une entreprise, de dialoguer avec son « écosystème ».

Il s’agit dans un premier temps de répondre aux enjeux du développement durable : « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Eh oui ! la première des parties prenantes, ce sont nos enfants, nos petits-enfants, comment vont-ils vivre sur notre belle planète dans 10, 20, 50 ans ? Ensuite, il est essentiel de décliner les principes du développement durable à l’échelle de sa PME. Selon la Commission européenne, pour assumer leur responsabilité sociétale, les entreprises doivent « engager, en collaboration étroite avec leurs parties prenantes, un processus destiné à intégrer les préoccupations en matière sociale, environnementale, éthique, de droits de l’homme et de consommateurs dans leurs activités commerciales et leur stratégie ». Enfin, le dialogue est une démarche structurante de la Responsabilité Sociétale. Comme le précise la norme ISO 26000 : la RSE vise à « créer des opportunités de dialogue entre l’organisation et une ou plusieurs de ses parties prenantes, dans le but d’éclairer les décisions de l’organisation. »

Et au fait, c’est quoi une partie prenante au sens de la RSE ? Une partie prenante est définie par l’ISO 26 000 comme « un individu ou un groupe ayant un intérêt dans les décisions ou activités d’une organisation. » C’est une définition très globale. Il y a ici une notion d’influence ou d’impacts (positifs et négatifs) avec chaque partie prenante. Cela intègre aussi une réciprocité dans les relations. A noter que les parties prenantes peuvent être internes et externes à l’organisation, ce qui implique enfin une double approche, à la fois globale et très locale des relations avec les parties prenantes. Quelques exemples de parties prenantes : actionnaires, investisseurs, agences de notation, clients et consommateurs, fournisseurs, salariés, communautés et autorités locales, gouvernement, organisations publiques internationales, ONG, associations, Médias, organisations professionnelles, concurrents, riverains, organismes de formation et de conseil, certificateurs…

Et maintenant, comment faire dans une PME pour développer le dialogue avec ses parties prenantes dans le cadre de la RSE ? Comme toujours, procédons de façon pragmatique et progressive pour avancer intelligemment en la matière. D’abord, commencez par lister toutes les parties prenantes pour votre entreprise spécifiquement et de façon très exhaustive. Ensuite questionnez-vous sur la qualité de la relation entretenue avec chacune d’entre elle mais aussi sur leur niveau d’importance pour votre activité. Cela permettra de les hiérarchiser par niveau stratégique et ainsi prioriser vos actions. Vous pourrez ainsi établir la cartographie de vos parties prenantes spécifiquement pour votre PME ou appelée sphère d’influence. Viendra ensuite le temps de l’analyse de leurs attentes et en particulier en ce qui concerne la Responsabilité Sociétale. Bien évidemment, il sera crucial de vous assurer dans un dernier temps d’avoir des modes de dialogues adéquates avec chacune d’entre elles par ordre de priorité. Le but est ici de développer progressivement les échanges et la proximité avec vos parties prenantes pour répondre durablement à leurs attentes dans le respect des principes éthiques, environnementaux et sociaux de la RSE. Il est vivement conseillé de réitérer cette analyse tous les ans pour faire vivre les relations avec votre écosystème sur la durée et car le monde bouge en permanence. Plus que jamais, il est nécessaire de s’adapter !

Enfin, il y a plusieurs stades dans le dialogue parties prenantes que l’on peut résumer en 5 niveaux de maturité :

Stade 1 : Diffusion d’informations sous forme d’actions de communication externe du type la formalisation d’un rapport RSE ou dans le cadre d’opérations marketing produits par exemple.

Stade 2 : Ecoute et recueil des attentes des parties prenantes via des enquêtes, interviews, rencontres, etc.

Stade 3 : Echanges d’informations grâce à l’animation de panels de parties prenantes sur des sujets RSE avec des clients, fournisseurs ou associations par exemple, participation à des clubs RSE via des réseaux d’entreprises ou fédérations professionnelles, l’organisation de journées portes ouvertes, forums de discussion, etc.

Stade 4 : La co-construction avec des parties prenantes plus spécifiques et stratégiques comme la négociation collective et accords CSE avec les salariés, des partenariats technologiques ou RSE avec des clients, concurrents ou fournisseurs, structuration des relations grâce à une Joint-venture…

Stade 5 : La co-évaluation qui peut reposer sur la prise de décision stratégique impliquant des parties prenantes externes via leur participation au Conseil d’Administration ou à un Comité éthique, ce peut être aussi le développement de l’actionnariat salariés, ou encore devenir une entreprise influenceuse positive en matière de RSE…

En conclusion, il n’y a pas de démarche RSE réussie sans l’adoption d’une véritable posture d’ouverture au monde et aux autres acteurs de la société. Alors, il est grand temps maintenant de développer progressivement les échanges avec toutes vos parties prenantes dans un esprit coopératif et vous verrez, vous ne serez pas déçus, il y a de belles rencontres en perspective !